ELIAS MANUEL ABOU-CHARAF, CNUCED
C’est un objet universel dont l’origine remonte aux sociétés primitives. Il possède des caractères rituels selon la civilisation, et a toujours été convoyé de connotations paradoxales et mystérieuses de festivités, de coutumes, de divin et même de deuil. Quoiqu’il en soit, le masque a toujours été imprégné de cette allure énigmatique. Selon Oscar Wilde, « Un masque raconte beaucoup plus qu’un visage et l’homme est peu lui-même lorsqu’il parle à la première personne ; donnez-lui un masque et il dira la vérité ».
Riche en symboles, ce simulacre facial est utilisé et ré-inventé par Karine non pas pour dissimuler, mais afin de dévoiler tout ce que l’âme d’une personne laisse en elle-même, quelque chose qui est enfoui et inexprimé par les gens, souvent quasi-impossible à extérioriser. A juste titre, ses oeuvres sont des paramasques, interfaces entre soi et soi, des objets qui protègent des masques, symboles de tricherie qui font que nous nous trompions par rapport à nous-mêmes.
Depuis son enfance, Karine sent instinctivement le caractère d’une personne à travers son nez : « Je ressens souvent de manière intangible une finesse d’esprit, une sensibilité, et encore même parfois je me méfie de certaines gens en voyant leur nez. Le nez est tellement révélateur... ». C’est donc le nez qui sera l’élément essentiel au centre de ses compositions, quelque chose qui jouera le rôle d’une clé à la découverte d’une personne. Sa passion se déroule concomitamment aux affaires, puisque son prochain rendez-vous sera avec l’ITC de février jusqu’en mai 2011 : « J’en suis ravie, reconnaît-elle, car j’ai le temps de m’adonner à la création artistique ». Sa démarche artistique s’élabore en parole et en sentiment pour la personne dont elle construit le paramasque. Ingrédient incontournable, l’instinct : « Il faut rester instinctif, me confie-t-elle, car les ressentis sont tellement justes. Il faut faire confiance en son intuition. »
Son incroyable histoire aide à mieux comprendre ses créations. Femme d’affaires, son travail fait qu’elle entreprend beaucoup de voyages, notamment en Asie. En Septembre 2007, au retour d’un voyage au Japon, une embolie pulmonaire bilatérale la saisit d’assaut et la noie dans un coma pendant une semaine. Le médecin qui se chargera d’elle dira que c’est une miraculée.
Elle ne s’en rend peut-être pas compte, mais en parlant avec elle, je réalise qu’il y a très peu de gens qui savourent la vie à sa manière. Elle s’étonne avec sincérité devant une belle nouvelle, rigole comme une adolescente, on dirait qu’elle ne détient aucune forme de sournoiserie adulte mais simplement cette bonté immuable et universelle qui fait qu’elle est tellement créative. D’un positif contagieux, d’un optimisme enviable, c’est une très belle personne. Ce n’est donc point surprenant que nous ayons l’impression que ses oeuvres sont venues d’ailleurs : « Je ressens et je matérialise, m’avoue-t-elle. Tout mon travail se déploie naturellement. En même temps que je crée mes modelages en céramique, il y a un lâcher-prise total où je laisse l’entière liberté à la terre de s’exprimer. Il faut laisser vivre la terre lorsqu’elle sèche, on permet ainsi à l’objet d’être luimême. »
C’est ainsi que rentrer au plus profond de la personne, la connaître, faire de son âme une oeuvre d’art, un paramasque dont les plages lisses sont emplies d’expression, tel est le but de l’artiste Karine Martinez. Eclectique (puisqu’elle saute en toute aise de la céramique au fusain à la création de colliers), inventive, créative, en tous les cas peu conventionnelle et d’une originalité époustoufl ante, c’est avant tout une artiste dont la chaleur et l’accessibilité vous touchent, tout comme ses créations, qui paraissent tellement silencieuses, mais qui, subtilement, sont grandement admirables.
Karine Martinez a déjà exposé à Genève en Décembre 2010. Vous pouvez admirer ses oeuvres lors de sa prochaine exposition courant le dernier trimestre de 2011. Il est à noter que ces expositions promeuvent son travail et que les paramasques sont faits sur mesure à la demande de ceux qui en sont intéressés.
Karine Martinez Consultante à la CNUCED et céramiste.
«Lorsque je suis dans mon art, il n’y a plus de règles, plus de limites»
Cinq ans executive officer au World Association of Investment Promotion Agencies (WAIPA) puis aujourd’hui consultante à la CNUCED, Karine Martinez bouclait, il y a encore quelques semaines, l’organisation du World Investment Forum en Chine. En charge des rapports avec les chefs d’Etat inscrits au forum et en lien avec le Ministère du commerce chinois, elle connaît et gère un carnet d’adresses très fourni. Très technique, sa formation en économétrie à l’Université de Genève lui confère pourtant la certitude qu’une part de folie est nécessaire. «Mes études me correspondent. Derrière le côté rationnel, il y a une part très importante de créativité. Lorsque je suis dans mon art, il n’y a plus de règles, plus de limites.»
Il y a deux ans, Karine Martinez vit un événement qui va bouleverser sa vie et révéler en elle une forme particulière d’expression. Au retour d’un voyage au Japon, une embolie pulmonaire bilatérale foudroyante la plonge dans le coma. Une semaine plus tard, Karin Martinez se réveille miraculée, sans mémoire des événements, mais avec un besoin viscéral de créer. Le hasard d’un courriel sur sa boîte e-mail la pousse à fréquenter un cours de céramique. La révélation est immédiate.
Son travail artistique De ses introspections, Karine Martinez en garde des visions, dont elle modèle les contours. Un visage apparaît. Sans yeux. Un énorme nez placé au centre. «Ce n’est pas à travers les yeux que je décode la personne en face de moi, mais à travers son nez. C’est étrange, mais je sais immédiatement à qui j’ai affaire.» Ces modelages en céramique, résultantes de profondes et intimes recherches sur elle-même, elle les nomme «paramasques». «Ce ne sont pas des masques, car au contraire de cacher, ils révèlent.» La difficulté de se séparer de ses créations, trop liées à son intime, la pousse à créer des «paramasques» pour d’autres, une forme de partage de sa passion. Et une première exposition, le 11 décembre prochain à l’Institut Living Art de Genève.
Ce qu’elle en retire «Lorsque je rentre le soir, mes créations m’attirent si intensément que je n’ai besoin ni de manger, ni de dormir. Et lorsque l’œuvre est terminée, elle me recharge complètement. J’appelle ça de la «nourrissance», un mot que j’ai inventé et qui signifie à la fois nourriture et jouissance!»